Éthique chrétienne
Écrit par Johanes Narasetu
L’image de couverture Pasio par Bung Carol
“Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne meurt pas, mais qu’il ait la vie éternelle” (Jean 3:16)
Aujourd’hui, le 14 février, est le jour de la Saint-Valentin. Hautement révéré en tant que célébration d’amour dans toute culture mondiale, on a tendance à oublier que l’amour propagé dans ce jour est chrétien par origine, et est donc, chrétien par nature. Comment la chrétienté s’approche-t-elle de cet événement festif?
Cet article vous propose une réflexion théologique, éthique, et existentielle sur l’esprit originel de la Saint-Valentin, à savoir l’amour chrétien.
Être aimé
La notion d’amour chrétien part d’une situation d’être aimé. L’extrait de l’évangile selon Jean l’explique clairement en expliquant que le Christ, le Fils, est donné par le Père afin de nous prouver l’amour radical qui s’est rendu explicite dans l’incarnation et la crucifixion. La beauté de l’incarnation se trouve dans double-niveau de l’irrationalité de l’amour divin. Au premier niveau, étant donné l’incapacité de la chair pour atteindre l’Esprit, celui-ci se rend visible aux yeux humains jusqu’à ce qu’il soit comme nous-même. Au deuxième niveau, la puissance divine qui se rendit manifesté en Christ s’est absentée complètement à l’heure de la crucifixion.
Cette manifestation en double-niveau se fait exprimer par les penseurs contemporains tels que Jordan Peterson: “la crucifixion est la pire chose possible qui puisse arriver à la meilleure personne”.
Pourtant nous voyons que l’approche de Peterson – peut-être à cause de sa soif intellectuelle qui cherche à connaître la vie – qui pèse sur la cruauté du monde ne touche pas à l’aspect de donation qui est sans doute le noyau du christianisme. Le double-niveau du couple incarnation-crucifixion exprime l’amour radical sous forme de donation.
À l’instar de cette donation, les chrétiens se trouvent au cœur de ces mystères. Ce sont des mystères car on peut articuler la valeur du couple incarnation-crucifixion sans jamais pouvoir dire comment l’amour de tel degré est possible. La donation du Seigneur en personnage du Christ articule un amour ultime de l’Absolu qui désir que les limités – nous – puissent accéder à lui, au point où ’il persiste en face de la mort – voire, la croix.
C’est pour la même raison que le phénoménologue, Michel Henry, insiste tant sur l’aspect de la donation dans la manifestation. La langue française la montre clairement. Il y a un sens de ‘se donner’ dans ‘se manifester’. Cette même notion est également inclue dans l’incarnation. Se manifester signifie se donner et cela prouve que nous sommes aimés.
Quelle est donc notre réplique de ce point de vue?
Agir l’amour
En revanche d’être aimé, la réplique la plus appropriée chez les chrétiens est de l’agir. Nous aimons nos proches car nous sommes déjà aimés à l’extrême par le Seigneur. La primauté de l’amour chrétien ne s’installe aucunement aux mots, mais à l’action. C’est une philosophie de l’action s’encrée à l’acte d’incarnation et de la crucifixion.
L’histoire du Christ dans la Bible ne s’encadre point à la parole de l’amour. Le cycle de la vie, la mort, et la résurrection du Christ est de prime abord un phénomène concret et charnel, puis une parole de l’amour seconde. Concrètement, le point de vue qu’offre le christianisme est une philosophie qui part d’une condition d’être aimé. Si notre existence précède notre conscience d’exister, la fondation philosophique chrétienne sur l’être des humains atteste qu’avant d’être, nous sommes toujours aimés. L’incarnation et la crucifixion ne sont que la manifestation historique de cet amour atemporel.
En un mot, le cycle de l’amour chrétien propose un acte d’amour qui n’a pas besoin de parole. Il est certes important de prêcher l’amour, mais plus fondamental que cela est d’agir cet amour. Du point de vue chrétien, l’amour est plus un acte se traduisant en parole que son inverse.
Comment peut-on donc lier l’amour manifesté dans l’incarnation et la crucifixion à l’amour humain de notre part?
L’amour est une réplique responsable
Par la figure du Christ, il nous est clair que l’ontologie humaine dans la philosophie chrétienne est d’être aimé qui précède d’être.En effet, aimer nos proches n’est pas un impératif hypothétique du genre “Aimer vos prochains afin que le Seigneur vous aime.” Cela n’est point le propos. Au contraire, avant d’agir, le Seigneur nous a déjà tant aimé avec son incarnation et sa crucifixion. L’acte d’amour chez les chrétiens est donc une réplique à cette appréhension d’être aimé par le Seigneur. C’est un impératif catégorique du genre, “Aimer vos prochains car le Seigneur vous aime déjà.”
Cet impératif catégorique est donc une critique contre la forme plus populaire d’amour, notamment celui célébré aujourd’hui. Il s’agit de l’amour qui est libre, insiste sur le sentiment, et se dirige vers soi-même. Comme mentionné au-dessus, le cœur de l’amour chrétien est d’agir, et nous sommes responsable de manifester l’acte de l’amour dans la vie concrète car nous sommes déjà aimés avant d’être. Cela veut dire simplement que l’acte d’aimer nos prochains précède notre préférence pour aimer ou ne pas aimer. Il ne s’agit point de la question sur la préférence d’aimer telle ou telle personne, ou même d’aimer en tout degré. Nous sommes responsables d’agir cet amour envers l’autre, et voilà tout. Le Christ nous a déjà aimés, et ce fait seul appelle une réponse de notre part. Et comme l’amour chrétien est celui qui se dirige vers l’autre, nous sommes également responsables de le manifester dans le monde. Au contraire de toute forme d’amour flottant, sensible, et narcissique, l’amour chrétien est un appel à la responsabilité personnelle.
Cependant, cet amour responsable est-il forcé? De fait, ce n’est point du tout le cas. À l’encontre de ceux qui jugent cet amour forçant, l’appel à la responsabilité n’est jamais menaçant, moins encore nous dérobant du choix individuel. Le noyau éthique de la responsabilité, non seulement chez le christianisme, mais aussi en éthique en général, est le fait que celle-ci nous dérange pour agir dans un état libre. L’amour qui dérobe les autres de leurs libertés n’est point l’amour, et la crucifixion le montre déjà. Même au sein de sa souffrance, le Christ dans toute sa puissance a choisi de prier pour ceux qui lui ont fait la souffrance. L’amour du Seigneur a l’intention de déranger la conscience humaine pour lutter contre la haine, même face à la haine elle-même.
Un amour responsable est dès lors dérangeant, responsable, et nous appelle à l’action malgré le sentiment personnel. Ce n’est pas en sentant que nous agissons, mais en agissant que nous conduisons le sentiment.
L’amour chrétien est responsable et nous mène vers l’action. Quant à sa difficulté de le pratiquer, de demander la grâce pour pouvoir agir à celui dont l’amour précède l’être est ce que propose le christianisme.
Le lien pour nous soutenir
Si vous habitez à l’étranger
https://www.patreon.com/filonesia?fan_landing=true
ou si vous habitez en Indonésie